Vie ma vie de prof #7

Youpiii! C’est les vacances!!

Tutute, le grognon du fond… Tu crois que je ne t’entends pas marmonner que les profs sont toujours en vacances? Oui, c’est vrai, on en a plus que les autres… Mais c’est pas pour 20nous, c’est pour vos rejetons qu’on se force Ă  quitter notre travail bien aimĂ©. J’te jure, si c’Ă©tait pas pour leurs biens on y serait 365 jours par an!

… Naaan! J’rigole!

Si on a autant de vacances c’est pour reposer nos oreilles qui se lassent d’entendre des âneries Ă  longueur de journĂ©e.

Et, comme cela m’a Ă©tĂ© demandĂ© rĂ©cemment Ă  cors et Ă  cris :

Tadaaam! Voici la toute dernière perle de mes élèves!

C’est une petite perlouse mignonnette que je te raconte ici en vitesse.

Je te replace dans le contexte. Je suis entrain de dessiner au tableau un exemple de dessin que mes élèves de 3pro devront ensuite (tenter) de reproduire. Bref.

Je suis jamais très Ă  l’aise de leur tourner le dos trop longtemps. Ils sont gentils mais euh… Comment dire… Ils ont un cĂ´tĂ© ingĂ©nieur-aĂ©rospatial que j’apprĂ©cie peu… En clair, ils ont tendance Ă  balancer des objets non-identifiĂ©s Ă  travers la salle.

Du coup je suis aux aguets, tel un lynx Ă  lunette, prĂŞte Ă  bondir au moindre bruit suspect. C’est lĂ  que Kevin (encore lui!) me coupe dans mon explication oh-combien-capitale du rapport de proportion entre le nez, la bouche et les yeux :

“Roo! Madame, vous dessinez trop bien! On dirait Mozart!”

Merci Kevin, j’aime le regard que tu portes sur les choses, on dirait Gilbert MontagnĂ©!…

Allez… Je sais que tu en veux d’autre, vas-y, dis-le!

Bon, encore une…. Mais c’est bien parce que c’est toi!

Une petite remise dans le contexte s’impose. Cette perle m’est arrivĂ©e rĂ©cemment, je faisais un cours sur l’histoire de la mode et du costume Ă  mes Ă©lèves de CAP. C’est un petit truc que j’aime bien faire. Je leur parle des canons esthĂ©tiques de chaque Ă©poque Ă  grand renfort de petites anecdotes historiques rigolotes. En gĂ©nĂ©rale ils aiment bien et moi aussi.

Bref.

Nous en Ă©tions Ă  le mode made in Marie-Antoinette. Tu sais le truc Ă  peine too much oĂą t’as autant de volume en perruque au dessus de la tĂŞte qu’en jupons au niveau du cul.

Re-bref.

“donc vous voyez, en 1788, il y a eu une grande famine… 1788… Soit un an avaant…?”

“…”

“Personne?? Non, vraiment? Un indice : On va y couper des tĂŞtes…”

“…”

“La rĂ©volution française, ça dit quelque-chose Ă  quelqu’un?”

Assentiment générale de la classe. Il semblerait que ça leur dise vaguement quelque-chose.

“et, donc, on peut imaginer que porter des habits aussi extravagants, alors que le peuple meurt de faim, ça peut crĂ©er, quelques tensions, non?”

“…”

“Ok. Mettez-vous Ă  la place d’un pauvre qui a du mal Ă  trouver de quoi se nourrir. Vous y ĂŞtes?” Quelques hochement de tĂŞte. “LĂ  vous voyez passer une femme avec une tenue pareille. Vous pensez quoi ” 

“Wesh, on va lui Ă©clater sa gueule Ă  la bourge!”

“Ouiii! VoilĂ ! C’est ça, c’est bien Dylan! Tu ressens un grand sentiment d’injustice!”

“Wesh grave!”

“Alors imaginez un peu ce qu’ont ressenti les gens quand la rumeur s’est rĂ©pandue que, Marie-Antoinette – une des femmes les plus coquettes de son Ă©poque, qui dĂ©pensait des fortunes en vĂŞtements, en perruques et en bijoux – aurait dit, en parlant des pauvres : “si ils n’ont pas de pain ils n’ont qu’Ă  manger de la brioche”

“Ou des pâtes”

“Pardon Dylan?”

“Bah ouai, sinon ils ont qu’Ă  manger des pâtes, c’est pas reuch les pâtes”

“…”

En vrai, sur le moment, je suis restĂ©e comme deux ronds de flan… Et puis il a fallu que je trouve les mots pour expliquer que famine = plus de blĂ© = plus de pain (mais aussi plus de brioche et plus de pâte aussi, du coup!).

C’est lĂ  que j’ai entendu Dylan glisser Ă  l’oreille de son voisin qu’au pire, si il n’y avait plus de blĂ© il restait toujours le riz.

J’avoue que par flemme j’ai choisi siamment de ne par relever, parce que, toi-mĂŞme tu sais :

“y a pas que le riz et les pâtes dans la vie, y a Ă©bly aussi!”

Alors oui, c’est vrai que ces vacances n’arrivent pas trop tĂ´t. D’ailleurs elles n’arrivent jamais trop tĂ´t les vacances…

A bientĂ´t pour un nouveau “Vie ma vie de prof”. On y parlera couleur de cheveux et gestation masculine. Ca te tente?

 

 

17 thoughts on “Vie ma vie de prof #7

  1. je n’en reviens pas, ils vivent dans une caverne. Je n’ai qu’une formation simple (CAP) mais je n’ai pas eu l’occasion de cĂ´toyer des jeunes avec un tel abĂ®me d’inculture. C’est terrible les conversations autour de la table familiale ne doivent pas exister -si tĂ©lĂ© allumĂ©e devant des programmes pour dĂ©cĂ©rĂ©brĂ©s- Je me souviens des conversations entre leur père et nos fils (11 & 17ans) cela concernait les math. et l’informatique -je me sentais bien seule ! Moi c’Ă©tait théâtre et musĂ©e, j’avais du mal ! Vous avez du mĂ©rite Ă  conserver votre calme et bienveillance envers vos australopithèques. Je crains pour leur avenir professionnel avec une tel absence de curiositĂ©s intellectuelle. Bon courage Ă  vous et profitez du repos et de vos petites.

    1. Il y a une grosse diffĂ©rence entre les CAP “d’avant” et ceux d’aujourd’hui… Nos Ă©lèves sont souvent dans une grande prĂ©caritĂ© sociale et intellectuelle. Ce n’est pas le cas de tous, fort heureusement, mais disons que ce sont des gamins qui ont Ă©tĂ© oubliĂ©s par l’Ă©cole et arrivent lĂ  sans avoir assimilĂ© grand chose du collège…

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